C'est la première fois que je vais chez un psychologue. Pour tout vous dire, je ne suis pas très rassurée. Cela devait se voir d'ailleurs, je me ronge les ongles en salle d'attente et gesticule les pieds sur le parquet. Pour moi, aller voir un psy' signifiait qu'on avait des problèmes. Et je n'en ai pas. Enfin, tout de monde a des problèmes et je n'échappe malheureusement pas à la règle. Mais je n'ai pas ce genre de problème qui devrait me faire aller consulter un spécialiste. Pourtant, mes proches pensent que cela me ferait du bien de parler à quelqu'un de l'extérieur. Je ne suis pas certaine du bienfait de cette solution, mais je le fais surtout pour leur faire plaisir. Et aussi parce que je n'ai plus rien à perdre. J'ai déjà tout perdu. Une femme entre et je relève la tête. « Madame Swanson ? ». Je ne réponds pas, me contentant de me lever pour lui faire comprendre que c'est bien moi. De toute façon, il n'y a personne d'autre dans cette pièce. Je m'installe sur ce long canapé que je n'ai vu que dans les films en face de sa chaise. Et comme dans les films, elle a un petit carnet où elle va probablement écrire tout ce que je lui raconte. Rien pour mettre à l'aise quoi. Même si ce canapé est étonnement confortable. Plus que je ne l'aurais imaginé. « Alors madame Swanson, qu'est-ce qui vous amène ici ? ». Je soupire tout en me demandant si je dois vraiment lui répondre et déballer ma vie à une parfaite inconnue. Mais encore une fois, je n'ai plus rien à perdre. Cela ne peut pas me faire de mal. Mais ce n'est pas dis que cela me fasse du bien non plus. Après tout, il n'y a qu'un seul moyen de le savoir. « Mes proches pensent que ce serait une bonne idée et que cela m'aiderait à tourner la page. ». Et voilà, elle commence à prendre des notes dans son petit carnet. Ça ne me donne vraiment pas envie de continuer, mais je prends tout de même sur moi. « Mon mari m'a quitté du jour au lendemain. Je partais travailler le matin, et en revenant le soir, ces affaires n'étaient plus là. On s'est passé la bague au doigt depuis même pas un an. ». Franchement, le bruit que fait son crayon sur les feuilles de papier commence à m'agacer. Je ne suis pas quelque chose que l'on peut étudier et consigner. Je suis là pour qu'on m'écoute, attentivement, pas pour qu'on écrive tout ce que je dis. « Et vous avez une idée de ce qui a pu le pousser à faire ses valises ? ». Je ne pensais vraiment pas qu'on en arriverait à cette question aussi rapidement. Oui, je sais pourquoi il est parti. A cause de moi. « Peu après notre mariage, on a commencé à essayer de concevoir un enfant. Après tout, c'est l'étape qui suit normalement. Mais en voyant que je n'arrivais pas à tomber enceinte, on est allé consulter. Peu de temps après, on a appris que je ne pourrais jamais avoir d'enfant. Et deux jours plus tard, il avait mis les voiles. ». Avant, lorsque je pensais à ça, je n'arrivais pas à ne pas fondre en larme. Mais maintenant, c'est comme si je racontais une histoire qui n'était pas la mienne. Je n'arrive simplement pas à réaliser qu'il est parti et qu'il ne reviendra jamais. A ce que j'en sais, aujourd'hui il peut bien être en europe à manger des escargots ou en australie a faire des courses de kangourous. « Et que ressentez vous face à son départ ? ». Elle m'en pose de ces questions. Je n'ai vraiment pas envie d'y répondre. Mais vraiment pas du tout. Pourtant, je m'exécute, espérant que mes proches aient raison et que cela me ferait vraiment du bien. « Le soir de son départ, j'ai beaucoup pleuré. Je me suis noyée dans l'alcool. Après tout, je suis responsable de son départ. Je ne peux pas lui donner ce qu'il veut le plus au monde : des enfants. ». Je marque une pause, le souvenir de cette soirée me revenant en mémoire. « Mais plus les semaines passent, plus je suis en colère. Après tout, on était ensemble depuis le collège. On s'est juré tout un tas de trucs devant le prêtre. Et si il m'aimait vraiment, il ne serait pas parti. ». Il y a d'autre moyen de fonder une famille. L'adoption et la procréation médicalement assistée par exemple. L'important, c'était le fait que l'on soit ensemble. Mais non, il a juste vu le fait que je ne pourrais jamais être enceinte naturellement de lui, alors il s'est tiré. « Je suis en colère, je me sens trahie et humiliée. Et le pire, c'est que je ne sais pas comment je réagirais si il repointait le bout de son nez. Je serais parfaitement capable de tout lui pardonner d'un claquement de doigt. ». A vrai dire, j'espère encore qu'il va revenir. Et je l'attends. C'est pour ça que mes proches veulent que je tourne la page. Il a fait ses valises depuis plusieurs semaines maintenant. Sept semaines et trois jours pour être exact. Il n'a pas donné signe de vie. Ni une lettre, ni un coup de fil. Mais j'espère encore. Je suis consciente que la meilleure des choses à faire serait de passer à autre chose, mais c'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Parce que malgré tout, je l'aime encore. Et plus que tout. Même si je me demande si lui, il m'a déjà aimé un jour.